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Coca-Cola au Centre de Conflits Sur L'eau en Inde
 

Le géant américain est accusé de vider les nappes phréatiques. L'Etat du Kerala demande des compensations

Julien Bouissou
Le Monde
5 Mars, 2011

Le Parlement du Kerala, un Etat du sud de l'Inde, a voté, jeudi 24 février, la mise en place d'un tribunal spécial pour statuer sur les demandes de compensation contre le géant américain Coca-Cola, accusé d'avoir pollué et surexploité des nappes phréatiques, mettant en danger la santé de milliers d'habitants. Pertes agricoles, pollution aquatique, maladies : le montant des dommages est évalué à 48 millions de dollars (34 millions d'euros).

L'usine en question a été construite en 2000 sur les terres cultivables de Plachimada, un bourg situé au milieu de rizières fortes consommatrices en eau. Quelques mois après le démarrage de l'activité de l'usine, des habitants ont commencé à se plaindre du goût de l'eau, puis de la baisse du niveau des nappes.

Chaque jour, 500 000 litres ont été puisés en moyenne et 150 000 litres d'eaux usées rejetées. L'usine a été fermée en 2004, à la suite de protestations des habitants et sur ordre du comité de contrôle de pollution du Kerala. Mais Coca-Cola revendique toujours le droit de l'exploiter et a porté l'affaire devant la Cour suprême, qui n'a pas encore tranché.

Les études scientifiques sont pourtant accablantes. Dès 2003, le professeur John Henry, alors toxicologue à la faculté de médecine de l'Imperial College, à Londres, avait prévenu "des conséquences dévastatrices des eaux usées pour la population des environs". Ces eaux contiendraient de fortes concentrations en chlore et en cadmium entraînant cancers, maladies cutanées et problèmes respiratoires.

Malgré des conclusions similaires dans l'enquête menée par le comité de contrôle antipollution du Kerala, Coca-Cola continue de nier ces accusations. La semaine dernière, le fabricant a " déploré " la création du tribunal spécial jugeant le texte de loi voté au parlement du Kerala "dépourvu de faits et de données scientifiques".

Il y a, en revanche, une autre étude scientifique que le géant américain peut difficilement contester puisqu'il l'a lui-même financée. Elle concerne d'autres de ses usines en activité dans des sites où les nappes phréatiques sont surexploitées. Réalisée par le TERI (The Energy and Resources Institute), l'étude indique en particulier que l'usine située à Kaladera, au Rajasthan, participe à "la détérioration de la situation de l'eau, et aux tensions avec les communautés avoisinantes."

L'institut dirigé par Rajendra Pachauri, par ailleurs président du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), ne voit pas vraiment comment la situation pourrait s'améliorer et recommande la fermeture de l'usine ou sa délocalisation. Coca-Cola persévère et estime avoir mis en place un système de récolte d'eau de pluie qui, "potentiellement", permettrait de recharger les réserves d'eau souterraines.

Cette solution a pourtant été écartée par le TERI, pour une raison simple : les précipitations dans cette région proche du désert du Thar, sont faibles et irrégulières. Les chiffres fournis par le bureau de l'eau de l'Etat du Rajasthan sont éloquents : au niveau du district, les nappes phréatiques ont reculé de trois mètres dans la décennie qui a précédé l'ouverture de l'usine, et de 22 mètres, au cours de la décennie suivante. Certes, Coca-Cola n'est pas le seul responsable et a fait des efforts pour améliorer ses procédés de production. Il ne lui faut plus "que" 2,1 litres d'eau pour produire un litre de sa boisson contre 4,7 en 2004.

Au cours des dernières décennies, de nombreuses industries se sont installées dans la région et les agriculteurs se sont mis à cultiver des plantes qui consomment davantage d'eau. "Mais pourquoi s'entêter à puiser dans des nappes phréatiques alors que la situation s'aggrave de jour en jour?", s'agace Amit Srivastava, directeur de l'ONG India Resource center. D'autant que dès 1998, soit deux ans avant que Coca-Cola construise son usine, l'agence centrale des nappes phréatiques avait classé l'endroit en "zone surexploitée".

C'est surtout en été que la tension avec les agriculteurs est à son comble. Lorsqu'il fait chaud, les agriculteurs ont besoin d'arroser leurs champs tandis que Coca-Cola doit augmenter sa production pour répondre à la forte demande.

Des manifestations ont déjà eu lieu. Et la police a interdit aux opposants de l'usine de s'en approcher dans un rayon de deux kilomètres. "L'eau est un bien commun et les agriculteurs perçoivent mal le fait qu'une usine s'approprie autant d'eau surtout en période de sécheresse", regrette Amit Srivastava

L'absence de cadre juridique clair, dans certains Etats, alimente les tensions. Alors que la législation en matière d'exploitation des nappes phréatiques dépend des Etats, seuls 9 sur 28 ont voté une loi, récemment. " Il est parfois difficile de remettre en cause des accords signés il y a dix ans quand la loi sur les nappes phréatiques n'était pas encore en application pas ou quand les préoccupations sur l'eau n'existaient pas ", souligne Sujit Koonan, chercheur à l'université Jawaharlal Nehru de Delhi.

"Ce dont nous avons besoin, c'est d'un changement des mentalités parmi les fermiers pour qu'ils ne gâchent pas l'eau avec leurs méthodes traditionnelles d'irrigation mais qu'ils se préparent à accepter les méthodes modernes comme le système d'irrigation de goutte à goutte", avait déclaré Kamlesh Sharma, le responsable de la communication de Coca-Cola à l'agence de presse Inter Press service, installée à Rome, en octobre 2009.

Le fabricant de boissons, qui n'a pas souhaité répondre aux questions du Monde, a financé 331 projets d'irrigation de ce type. Mais ce système nécessite un entretien coûteux, et un savoir-faire qui n'est pas accessible à tous.

Nombreux sont ceux qui doivent chercher l'eau de plus en plus loin sous terre, avec des pompes qui fonctionnent au diesel. Le manque d'eau coûte cher, surtout aux plus démunis.

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